DES ANIMAUX

Une nouvelle, par le skateur anonyme.

Photos : Cyril Lestage

animaux poisson mort

Même si un gros ballon gonflable traîne toujours sous mon bureau blanc,

mais crade, j’ai usé dix-neuf années. Toutes sans animaux familiers, enfin presque. Enfin, je veux dire, pas véritablement. J’ai réalisé ça cette après-midi, alors que nous étions assis sur un banc, avec Janice. Une jolie et tendre après-midi de mars, ensoleillée comme vous pouvez l’espérer et assez réchauffante pour pouvoir transpirer sur un skateboard.

Un monsieur dans un fauteuil électrique, un de ces fauteuils pour handicapés physique, est passé devant notre banc. Ce gars semblait se faire tirer par le berger allemand qui y était enlaissé – le clébard trottinait pissait en levant allégrement la patte devant tout ce barda. Le monsieur du fauteuil, et le mot qui vient sous la langue est « malade », fumait un gros joint. Son pied droit mesurait le triple de son pied gauche, et était empaqueté dans un ruban à salami d’une gueule dégueulasse. La peau que l’on pouvait voir, la peau qui n’était pas recouverte, donnait une couleur rose-rougeacée sale, des traces blanchasses couraient sur ce pied…et le mot qui vous fait sortir la langue est « merde ». Pour pleins de raisons, mais j’ai pensé aux animaux familiers qui n’avaient pas vraiment tiré ou chié sur mon fauteil de malade à moi. « Merde », hein ?

Donc, Dix-Neuf Années sans véritable animal de compagnie, conventionnel ou pas. Pes parents, avant qu’ils divorcent, ont cependant hébergé, en même temps qu’un gone aussi maigre que couvé – là, c’est moi – un clebs. Hébergé, c’est le mot qui convient, sans nul doute…un petit chien fou récupéré à la SPA, qui avait peut-être attendri mon père (les ex-« j’veux dev’nir véto » ne résistent pas devant une bête avec des yeux qu’ils croient pleins de compassions et de tendresse pleurnicharde, et en plus, ils ne peuvent même pas exprimer ce regard ). Alors ils se sont quand même dit qu’il fallait un foyer pour ce petit chien, mais ce débile de petit chien courait de partout, tout le temps. C’est louable pour un petit chien, mais le « dresseur » fatigue plus vite que le dénommé « dressé », et cela même d’après l’avis encore enfumé de mon daron. Un jour, dans un excès d’agressivité, la boule de poil a arraché un gâteau de la main d’un petit gosse suffisamment violemment pour que ça laisse une belle trace rouge et donc provoque une belle chougnade. La cicatrice, je la vois toujours mais mon agresseur a disparu quelques lunes après l’incident. Mais alors, carrément piqué.

 Ma mère n’a donc jamais « hébergé » autre locataire poilu ou plumé nourri à l’œil comme à la croquette. Elle a choisi les gosses pour lui chier dans les bottes, sauf que les cabinets seraient uniquement réservés aux lendemains de cuites de son cher aîné à la main râpée.

 Mon ami Clément, a, lui, au beaucoup plus de bestioles qui ont abîmé et habité sa piaule. Ca n’est pas reluisant non plus – et c’est pour ça que ça vaut le coup d’être raconté. Clément a acheté trois rats blancs, un furet…Le premier rat était un possédé, il avait des yeux plus rouges que la plus chaudes des chattes que l’ont peut lécher. C’en était méprisant de couleur, vraiment malsain. Mais comme tous les êtres vivants qui sont habités par une force qui les dépasse, ils sont maudits et arrachés à la vie de la manière la plus virulente. Ce rat dormait trop. Un soir, la sœur de Clément s’est assise doucement sur le lit a senti une boule s’aplatir et a gémi à la perception d’un couinement étouffé. Un mini steak, pas saignant, avec une queue poisseuse et assez de poils pour étouffer Adriana Karembeu.

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Le second rat , même le chat le plus agile ou le plus futé que la Terre ai chié n’aurait pas réussi à lui becter ne serait-ce qu’une patte.

Lui, il courait, sautait, tout le temps, même pour caquer, un vrai miracle de technologie biomécanique. Ce con, il a voulu faire un transfert table-tabouret dans la salle de bain, il s’est bien sur loupé et s’est pris le siège dans le bide, pour finir par s’aplatir sur un carrelage plutôt froid. Quarante centimètre de chute libre pour ensuite taper une pierre polie, c’est un peu de bleus pour un bébé gogol (et la « pire » d’une longue série pour la mère qui l’a vu sortir de son utérus, parce qu’elle ne veut vraiment pas que sa création vaginale ressemble à sa vulve)…et une colonne vertébrale déplacée pour le coup et pour le rat. Le petit truc était cul-de-jatte, mais il traînait quand même deux pattes et deux queues devenues alors inutiles. Clément a failli chialer sur ce cirque…il a fait tout de même tuer son petit protégé par un vétérinaire.

Oh, le troisième rat a fait une indigestion alimentaire,et est enterré avec un paquet de graines dans un cimetière de l’Ain. Le furet, lui, s’est barré…Ce qui reste moins pire que la chute qu’a effectué la furette de sa meilleure amie – jouer à Super Furet et sauter par la fenêtre de la cuisine (quatorzième étage, le vent a bien fait décaler sa chute, c’est léger ces merdes) n’est pas vraiment ce qu’elle a fait de mieux. Les bêtes doivent vraiment sentir quand les propriétaires voient les cochonneries vivantes arriver dans leurs vies pour en sortir de manière très romantique ensuite.

            Restez là, j’ai encore un bon cas d’animal bousillé sous la main. Il est assez drôle je trouve – l’humour est toujours dans le pire malheur, jamais dans le bonheur, vous devriez le savoir.

fallen shoes

            Les années 2004-2006 ne m’ont que rarement donné des fêtes, des anniversaires, des mariages, des sorties en Alsace, des enterrements, des cours de sport… où l’alcool n’était pas matérialisé

sous la forme d’un verre, d’une flasque, d’une bouteille de Vittel ré-accommodée, tant qu’à faire pas trop loin de la main voire tout simplement bue. Mon pote Romain est l’incarnation explosée de l’épileptique taré, buvant une quantité proprement hallucinante en un temps aussi court qu’incroyable (cela à sa grande et feu-époque). Dans sa chambre, il possédait une chouette cage à lapins, elle était immense. Peut être deux mêtres sur deux, quelque chose comme 120 centimètre de hauteur, fantastique. Le foin qui jonchait le sol de la cage montrait que quelque chose y vivait, on voyait jamais quoi, mais ça devait être très sage vu que l’herbe séchée était toujours répartie convenablement. Putain, même les bestioles savaient que Romain était fou… ?

Une nuit de bourrache, mort-pilo, il a arraché la porte de la maison à rongeurs. Le feu de l’eau de feu, sans doute, et on a ouvert un parapluie pour éventer le rougeaud – vous le savez, que ça porte malheur ?! Moi, je dansais avec mon petit whiskey-glace dans la main, une chemise à carreaux tachée par le pack de bière qu’avait descendu la copine de Romain de la mezzanine de manière très bancale, n’est-ce pas. Au moment où j’ai tourné les yeux, le fou a saisi un hamster (enchanté hamster de te voir,je t’avais jamais vu), a ouvert la fenêtre et a lancé avec la plus grande haine la pauvre petite chose convulsée à l’extérieur. Elle a éclaté en DEUX au contact d’un poteau EDF et chacune des parties a roulé sur le trottoir d’en face. Une dizaine de paires d’yeux fans de Nirvana, voire exorbités, a fixé Romain, le trottoir, les bouts du hamster, encore Romain, en écoutant les mouches voler.

« GNICK »

Et le parapluie a giclé par la fenêtre, le whiskey, lui, dans ma bouche.

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